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21 décembre 2010

Nouvelle Orléans 1

J'avais repéré dans mon guide les quelques marchés qu'on pouvait trouver à la Nouvelle Orléans. Il faut se méfier du vocabulaire, je me doutais par exemple qu'il ne fallait rien attendre d'autres du French market le long du Mississipi que des gagdets à touristes. Par contre le Mid-City green market près du bayou St John m'intéressait. Justement cet après-midi là tombait dans ses maigres heures d'ouverture. Je repérais sur la carte les rues Toulouse et Orléans qui l'encadrent au niveau de Cortez Street.
Je prend le streetcar jusqu'à Jefferson Davis Parkway ; de là je marche vers le nord puis redescends vers l'est. Je marche longtemps dans des espaces mixtes résidentiels et friches, entrepôts pas débordés. Sur le fronton de l'un d'eux et comme le crocodile sur un polo, le jeu de mot: « Floor de lys ».

28 septembre 2010

Une entrevue

Je suis assise au bout de la table de la cuisine et j'écoute la femme assise à mes côtés, mes yeux dans les siens. Nous sommes très concentrées, elle parle vite dresse la liste des emplois qu'elle a qu'elle a eus qu'elle a perdus qu'elle a refusés. Je baisse parfois les yeux pour lui laisser un peu de répit et relâcher la fixité de l'écoute. Nos yeux qui ne se connaissent pas sont fatigués de cet échange si rapproché. Nos corps aussi arc-boutés à la table, elle pour bien raconter moi pour bien relancer. Mon visage se crispe dans des expressions neutres j'aimerais me dégourdir un peu. Son petit garçon vient se glisser contre elle pour lui demander quelque chose à l'oreille. Elle le repousse gentiment « attend encore un peu » et nous reprenons, détendues par ce léger souffle.

20 septembre 2010

La parabole des tops de muffin

Ça se passe à un vernissage. Je rencontre un ami que je n'ai pas vu depuis longtemps. Nous discutons, nous discutons, ma fille fatiguée chigne en me tirant la manche. Au moment où je veux vraiment partir, il me demande sur quoi je travaille, je réponds vite avec les seules grandes lignes, lasse et lassée moi-même.
AH, c'est drôle ça me fait penser à un épisode de la série Seinfeld tu connais Seinfeld ? (ouioui je recule un peu). Alors c'est Elaine tu vois qui c'est Elaine ?(ouioui la) c'est ça la coloc de Seinfeld. Bon et bien Elaine a décidé de se partir une business alors elle réfléchit à ce qu'elle pourrait vendre et donc à ce que les gens aiment : elle se dit ah mais les muffins! Elle pousse sa réflexion et cherche ce que les gens aiment le plus dans le muffin : ah mais le top, certainement! Guidée par cette lumière, elle décide de partir une business de tops de muffin. Ça marche du feu de dieu, tout le monde s'arrache ses tops de muffin. Tout va bien elle gagne de l'argent son entreprise est florissante, il reste cependant un petit problème : que faire de tous ces troncs de muffins étêtés ? Impossible de les jeter, elle décide de les redistribuer aux pauvres. Seulement les pauvres, ils sont comme tout le monde, ils n'en veulent pas DES TRONCS DE MUFFINS, ils veulent LES TOPS. Ils manifestent récriminent, DÉNONCENT, les médias s'en mêlent bref TOUT UN SCANDALE à base de C'EST PAS PARCE QU'ON EST PAUVRE QU'ON N'A PAS DROIT AU MEILLEUR DU MUFFIN! Tellement qu'au bout du compte Elaine doit fermer boutique.
Je suis ravie de cette parabole télévisuelle.

Complément Wikipédia : "The Muffin Tops" is the 155th episode of the sitcom Seinfeld. This was the 21st episode of the eighth season. It aired on May 8, 1997.

16 septembre 2010

La marchande

Elle cherche fébrilement sur une liste le prix des poivrons. Sa vue doit se brouiller, parce qu'elle s'y reprend à plusieurs fois pour suivre la ligne jusqu'à son bout en dollars. Il est déjà 11h30, elle a une demi heure de retard sur l'horaire prévu, elle stresse. Moi aussi de la voir mais ça me regarde moins, je donne juste un coup de main. Des clients approchent qu'on renvoie « venez dans dix minutes ». J'inscris des prix sur des étiquettes, pèse des légumes pour fixer à partir du prix en livres, le prix à l'unité. La jeune fille que j'aide me demande souvent « ça va , c'est pas trop cher ? ». Je lève le nez au ciel et répond en général à l'aveugle «non non c'est bien». Quelque fois, je baisse un peu le prix. Il ne faut pas vendre à perte mais ça ne sert à rien de se retrouver avec le stock sur les bras en fin de journée qui sera donné à un autre organisme communautaire. Ce marché ponctuel est implanté dans une sorte de HLM privé et participe d'un projet plus large de revitalisation. Les clients sont des résidents du coin, drôle de coin. On m'a dit que le propriétaire envoyait à l'aéroport des rabatteurs pour orienter des nouveaux arrivants vers ces logements misérables. La plupart des gens ne restent pas longtemps, dés qu'ils connaissent mieux la ville ou après avoir trouvé un emploi, ils choisissent une meilleure place où vivre. Quand enfin nous sommes prêtes, des femmes approchent, des enfants dans leurs jambes. On note sur une « fiche facture » chacun des produits que choisissent les clients et à la fin on remet la facture à une des deux travailleuses sociales responsables assise derrière la calculatrice. Elle fait le total et encaisse. J'accompagne une dame qui compte et recompte son change recalculant rapidement les combinaisons de légumes qu'elle pourrait se permettre. Il lui manque 25 cents pour acheter trois aubergines et un chou vert. Je décide que le chou vert convoité est abîmé et qu'une ristourne de 25 cents s'impose. La « marchande » à la calculatrice me dit sur un ton mystérieux «attention quand même, connaissant les patrons, le prix c'est le prix ». Il y a trop de monde soudain et j'oublie de lui demander qui sont ces patrons.

27 mai 2010

Le tri des fruits

Les poires c'est fragile alors quand des palettes de poires arrivent qui sont déjà des fruits que les épiceries ne veulent plus, il ne faut pas les faire attendre.
Il y a, à un endroit de l'entrepôt, une sorte de comptoir assez large séparé en son milieu et sur sa longueur par une étagère. On peut s'y mettre à trois de chaque côté et face à face. Une des extrémités du comptoir est fermée par une benne qui reçoit les fruits pourris. Les fruits pourris de la benne sont achetés par un agriculteur qui en fait son compost. Il vient le chercher une fois par semaine. L'été une semaine c'est long dans la chaleur sous la tôle de l'entrepôt. Je suis au tri ce matin là. Je porte des gants en caoutchouc comme les infirmières pour les soins, un tablier en plastique jetable. Je suis installée proche de le benne. Je prend un carton de poires derrière moi; dans le carton il y un sac en pastique et à l'intérieur les fruits en vrac; je renverse le carton; je vide les poires devant moi; je jette le sac dans le sac poubelle accroché sous le comptoir, à mes pieds; je tasse le carton à ma droite, il recueillera les bons fruits et à ma gauche je balance ceux que personne ne voudrait. Il faut faire vite, il y a deux palettes de cartons. Mais les consignes sont contradictoires : il faut à la fois ne pas gâcher, tout en ne compromettant pas le stock avec des fruits douteux, « sauver le plus possible » ≠ « ne pas laisser passer de fruits abîmés ». Certains cartons sont remplis de fruits blettes, je sauve difficilement deux, trois poires. D'autres sont mieux préservés. Il faut alors juger, trier et le faire vite avec les autres en face et à côté qui font la même chose. Les yeux ne suffisent pas il faut avec les doigts tester la résistance de la chair et de la peau ; si un pouce s'enfonce, que la peau risque de percer, on balance. Il arrive que le fruit soit beau sauf à un endroit que mon pouce détecte et du bout de l'ongle je craque la peau. À la maison je prendrais mon couteau pour escamoter le doute et manger le reste. Ici je suis partagée. Est-ce que je sauve le plus possible ou je trie le mieux possible ? Est-ce qu'on peut parler de gâchis quand les biens gérés sont déjà au rebut? Jusqu'où faire porter sur le dos du dernier maillon de la chaîne, la responsabilité de ne rien perdre de ce que le système rejette (après l'avoir produit). Soit comment ne rien perdre de ce qui est perdu. Considérant que les fruits jetés à ma gauche sont rachetés par un fermier qui en fait son compost, et qu'au final plus rien ne se perd plus, je décide de remplir mes cartons avec des fruits très beaux qui pourront faire encore envie. Je m'absorbe à maintenir ce cap dans le renouvellement permanent du choix, je ne vois plus les cartons défiler.

5 mai 2010

La reprise

Je pars de loin pour y aller et je n'y vais pour l'instant qu'une fois par semaine, ma rentrée hebdomadaire le ventre noué. J'y retourne demain. Les deux dernières fois, le 16 avril et la semaine suivante, je me suis enregistrée sur le chemin de l'aller et du retour. Je réécoute ce soir les enregistrements pour retranscrire ma voix que je trouve étonnamment posée comme peut l'être sans doute une voix que personne n'écoute. J'aime le bruit des essuies-glaces et du clignotant qui dominent. Ils sont les signes d'un corps qui ne fait pas que dire, ils libèrent la voix de cette assignation à se faire écouter, ils la déplacent. Je comprend mieux pourquoi j'aime le cinéma à la radio : les voix n'y sont pas là que pour ça, n'y sont pas là seules, on entend les gestes.
Je m'intéressais à la réflexivité du chercheur et j'en reviens, je vois bien ce qu'on y perd en croyant y gagner : du moi sur du moi et pendant ce temps là le monde tourne; à la rigueur s'intéresser à la réflexivité du chercheur sur ses outils et sur les normes qui en conditionnent l'usage. Je me suis enregistrée comme on s'achète un moleskine avant un voyage, en prévision d'y prendre des notes ou dessiner. Je ne saurais sans doute pas quoi faire de ces traces.
Je désespère parfois de l'artificialité de la recherche et des tics méthodologiques qu'on lui donne qui lui gonflent le jabot. Je voudrais plus m'abandonner et oublier mes objectifs. Je voudrais ne rien chercher.
La dernière fois que je suis allée à la banque alimentaire, c'était un jour de printemps, à la pause et au dîner les gens fumaient dehors assis sur les marches. Je ne peux pas résister à des gens qui vont s'assoir fumer au soleil. J'ai pris mon café et je suis sortie aussi. Ceux qui vont dehors se dégagent de l'hiver des cadences et du pointage, ils s'autorisent à sortir de la bâtisse de sa protection de son emprise. Je suis sûre qu'à la fin de l'été ils seront plus nombreux, plus dehors que dedans.
Il y a un groupe d'hommes assis sur la margelle du trottoir en face de la porte du réfectoire, avec un homme debout devant eux, celui qui vient du Pérou. Il leur raconte quelque chose et il s'agite beaucoup. La responsable des « dons qui rentrent », une mexicaine vive et autoritaire, s'assoit à côté de moi sur les marches entre le réfectoire et le parking et me sous-titre la scène : quand ils commencent avec la politique moi je m'en vais. Il adore la politique (elle le désigne), il était journaliste dans son pays. Ça ne m'étonne pas. Il travaille à l'entrepôt et passe de longs moments au bureau sur l'ordinateur. Je sais par elle qu'il a commencé comme bénévole et qu'il est maintenant employé, comme elle. Qu'il a travaillé fort pour cela, qu'il bénéficie pour compenser la faiblesse du salaire d'une aide alimentaire hebdomadaire. Elle m'a raconté cela ce matin. Je rentrais des coordonnées dans la base de données et je lui ai posé une question, une question bébête pour amorcer la discussion. Elle ne s'est pas fait prier : tu as déjà visité l'entrepôt ? Non je réponds même si oui. Elle a réfléchi une seconde avant de m'entraîner : bon viens avec moi. Je raconterai la prochaine fois cette visite, là elle s'en va et je reste assise à côté d'une femme qui me plaît bien. Elle doit avoir cinquante ans, les cheveux presque blancs, elle fume et on voit qu'elle n'a pas que ça, elle se tient. Elle me sourit et assez vite nous parlons. Elle accompagne un groupe, je ne sais plus comment elle le qualifie mais je l'ai vue avec eux : ils forment un groupe à la fois homogène de déficience mentale et hétérogène de gens très singuliers. Elles les accompagne au triage, ils viennent ici régulièrement pour s'occuper à quelque chose qui a un sens et soulager les familles, m'explique-t-elle. Elle reconnait que oui la tâche est fatigante, l'humidité et la station debout. Qu'elle ne reviendra probablement pas, elle remplace quelqu'un (éducatrice, aide-soignante?). On échange nos prénoms et je retourne au bureau.

20 avril 2010

La pause déjeuner

Au travail, quand je suis nouvelle, les pauses repas sont des moments délicats. Je crains qu'on me parle, je crains qu'on ne me parle pas. Je noie ma gaucherie dans des rondes compliquées de petits pas myopes. Les autres deviennent un grand ensemble homogène et compétent de gens qui savent exactement où se trouvent les couverts, le dessert, les napkins, la poubelle; qui n'hésitent pas pour déposer le plateau après s'être débarrassé en adulte d'une soupe aux vermicelles. Moi plutôt je reste bloquée entre l'évier et la poubelle, avec à la main mon bol de liquide où flotte un peu de solide.
Mais je ne suis pas vraiment au travail et ma place n'a pas encore de nom. On ne m'a pas choisie, je suis arrivée, on s'est poussé un peu et maintenant je mange parmi eux. Les gens du triage ont faim, leur travail est physique, ils s'attablent par groupe et portent encore leur tablier avec pour certains un protège-cheveux sur la tête. Je reconnais là plusieurs visages marqués aperçus lors de ma première visite. Je les reconnais parmi la foule relative parce qu'ils sont différents, leurs corps et leur regard sont différents, ils sont sous traitement ou bien déficients; beaucoup de choses trahissent à mes yeux leur condition sans qu'il me soit possible de la définir.
Je ne mange pas dans la même salle qu'eux finalement, j'y viendrai vider mon plateau et attendre la reprise. Je mange dans une autre pièce très petite aux murs vert pistache avec le directeur des approvisionnements pour qui j'ai travaillé le matin. En arrivant dans le réfectoire qu'il balaye du regard, il a dit « il n'y a pas de place ici » et je l'ai suivi.
Nous mangeons dans ce qui ressemble à un parloir de prison ou comme le dit un camionneur qui passe devant notre porte ouverte à un bureau de psychologue. Enfin, un lieu conçu pour faire advenir la parole, sans rien d'autre que des murs aveugles pour amplifier le moindre chuchotement. Nous parlons donc, lui surtout qui ne mange pas vraiment. Je mange avec un air de fille simple pour qui tout est de bon aloi, sauf la soupe que je repousse discrètement.
Il m'explique son travail et j'abandonne un peu les signes de l'écoute pour l'écoute elle-même. Il est le directeur des approvisionnements. Il est donc en charge de fournir aux 211 organismes de la ville les ressources alimentaires que ceux-ci distribueront directement aux personnes qui viennent les solliciter. Son travail consiste à essayer de prévoir la demande pour répartir équitablement les ressources. Il suit le cours en bourse des céréales, des hydrocarbures pour avoir une idée de ce qui coûtera plus cher dans les épiceries et qui sera ainsi plus réclamé aux organismes des arrondissements urbains. Il essaie de prévoir mais aussi d'interpréter la demande. Ce qu'il distribue, il ne le vend pas, ce sont des restes.

7 avril 2010

Nourrir une ville

Ce matin je dois être à à 8h30 à la banque alimentaire qui est à l'autre bout de la ville, c'est à dire plus proche de l'aéroport que de mon bout. J'ai mis le réveil à 4h00 pour travailler avant le rendez-vous et aussi parce qu'en ce moment, j'essaie de me lever plus tôt que de me coucher plus tard. Ce matin, je me lève, j'éteins le réveil et me recouche, ma conscience inutile et complice de ce répit. À 7h00, j'ouvre les yeux. À la sensation de mes muscles et mes yeux reposés, je comprend, je vérifie l'heure qui confirme, je bondis, merde merde merde.

Un grand nombre de gestes utiles, et d'autres beaucoup moins, un long fond de radio, un orage printanier soudain, une pluie battante me séparent encore du moment où j'arrive à l'entrepôt avec 45 minutes de retard.

Au questionnaire de «pré-embauche», à la liste des tâches que je voulais bien faire, j'avais coché tout sauf organisation d'événements spéciaux, et j'avais souligné triage, plus manuel plus frontal mieux pour moi.

La nourriture arrive à la banque sous différents conditionnements, on ouvre, on trie, d'un côté les fruits blettes, les légumes trop flétris, de l'autre les produits encore bons qu'on reconditionne en palettes et qui sont distribués dans les 211 (215?) organismes de la ville qui fournissent de l'aide alimentaire. D'autres produits sont envoyés aussi en soutien en région, et j'entendrai au téléphone dans le bureau : «j'ai deux brocolis pour Saguenay». Deux brocolis se mesurent en palette et ça en fait beaucoup pour une soupe de ménage.

J'arrive. Celui qui m'avait accueilli la première fois me renvoie vers un autre, plus important je le sens. On part en vitesse vers la salle de l'entrepôt où toute l'activité liée aux marchandises se concentre (réception, tri, stockage, départ des marchandises). Toute la bâtisse est en rénovation et l'activité y est compliquée par la tenue des travaux qui réorganisent son espace. Les ouvriers travaillent bénévolement, ce qui veut dire que les compagnies qui les emploient ne chargent pas l'organisme et lui prêtent cette main d'œuvre.

En route vers le bureau de l'entrepôt d'où se gèrent les approvisionnements, arrêt par la cafétéria : un café ? Oui volontiers. On reprend le couloir avec nos gobelets, je sirote un peu, le café est inbuvable, le lait aura tourné.

Nous arrivons dans l'entrepôt actif sombre et bruyant, et entrons dans le bureau toute de suite à droite. Le chef s'assoie ouvre son outlook et commence à m'expliquer ce que je vais faire. Je ne vais pas au triage ? non non. Bon. Je vais plutôt remplir une base de données des contacts de fournisseurs. Le bureau où je suis installée est celui que le directeur des approvisionnements partage avec tous ceux employés ou bénévoles (je ne les distingue pas aisément même si la distinction est importante) qui ont quelque chose à y faire; les livreurs qui viennent prendre leur route sur le planning, et beaucoup d'autres dont je ne fais que deviner le rôle au travers des bribes que j'attrape en espagnol en anglais en français. Je relève la tête à chaque fois pour saluer et me présenter mais après voir salué deux fois la même personne en l'espace de cinq minutes, je me modère un peu et m'abstrait dans ma tâche reposante, presque familière.

15 mars 2010

Stage

Je suis partie à Paris pour y travailler - un peu - différemment. J'ai beaucoup moins travaillé, c'est ça qui diffère le plus. J'ai été seule au milieu de beaucoup de gens, seule et bien entourée donc. Le travail n'a pas bougé, il s'est durci dans l'abandon comme une baguette de plusieurs jours. Il faudra plus que du lait pour pouvoir commencer à nouveau, mais ce pain là n'est pas perdu.

4 février 2010

Commencer

Il y a plusieurs années, j'avais été bouleversée par le film de Laurent Cantet Ressources humaines. Je me souviens particulièrement d'une scène où le fils affrontait son père vissé à sa machine malgré la grève des autres travailleurs :
« tu vas quand même pas te remettre à bosser. T'es viré, tu entends, T'ES VIRÉ!»
J'avais pleuré, pour plein de raisons et aussi parce qu'il y avait de la beauté à cet affrontement entre un jeune cadre et son père ouvrier.
Je n'aurais jamais crié ainsi sur mon père
Le pire c'est qu'il avait raison, le fils, et son père ne lui laissait pas d'autre choix que celui de cette clairvoyance brutale.
Mon père était mort, lui aussi avait souffert par le travail, mais pas que...
Jalil Lespert, bien que trop jeune, pourrait être passé dans la classe de L'argent de poche face à laquelle Stévenin dépliait si bien le paradoxe qui nous attache : la vie est dure mais elle est belle et c'est pour ça qu'on y tient tellement.