16 mars 2011
Camouflage
Il est à la caisse. Je ne sais pas ce qu'il vient d'acheter disons quelque chose de coûteux qui nécessite l'impression en A4 (il est en France) d'une facture en bonne et due forme comme on dit là-bas. Pendant qu'on met les formes à s'occuper de lui, il attend seul à la caisse accoudé au comptoir autorisé à ne rien faire juste divaguer du regard curieux. Justement à ses côtés il y a un panier avec de drôles de balles dans des couleurs pâtissières. Leur matière lisse un peu gonflée appelle une prise ferme qui veut les faire rebondir. Il aime jouer. De sa main droite proche du panier il fait son choix et pogne sans appel la balle rose. Stupeur. La chose n'est pas une balle, elle s'écrase s'émiette dans son poing qu'il ouvre doucement au ras du panier pour reposer le gâteau précieux écrapou l'air de rien. Il tourne la tête à gauche ne bouge plus et attend son du. Il ajoute à la catégorie «pâtisseries de couleur» l'objet macaron dont la mode n'avait pas encore rejoint le Québec où il vit habituellement.
10 mars 2011
Lunch d'appoint
Il se stationne devant la bâtisse à l'heure du lunch. Il ouvre le haillon latéral de son petit camion chromé. Là tout est bien rangé, tout est plastifié, des Joe louis, des cookies aux pépites, toutes sortes de pépites et des noix qui bossellent sous le plastique la surface des biscuits. Du café aussi, du salé, des chips, des sandwichs coupés en deux, servis avec un petit cassot de salade de choux, emballés dans du film transparent sur une barquette en styrofoam. Il range un peu quand je sors sous le grésil, le crissement du plastique sous ses mains rapides. Il s'affaire, il fume en travaillant. Un homme vieux vaguement édenté, blouse banche sur tenue défraîchie, lui parle la tête penchée tout près de lui dans son dos. J'entends l'homme du camion lui répondre «so you will pay me next week ? sure ?». Je ne m'arrête pas pour un café je marche jusqu'à l'escalier métallique qui me fera changer de niveau, marcher sur l'échangeur une dizaine de mètres, avant de redescendre pour rejoindre la rue de Gaspé et le café des japonaises.
2 mars 2011
Nous mangions
Nous courrions j'imagine que nous courrions. C'était l'été il faisait chaud, les mouches collaient, les poules caquetaient, les guêpes piquaient parfois, les vaches meuglaient et nous courrions. Quand nous étions sur les routes et que la faim nous saisissait dans le temps étiré d'une promenade un peu trop longue, nous arrachions des épis de blé. Sans s'arrêter décortiquer et saisir de nos doigts poussiéreux les graines du pain. Si tu mâches ça fait comme un chewing gum. Alors ça passait alors ça suffisait cette liberté cette solitude d'enfants. Quand plutôt que sur la route nous nous trouvions dans son périmètre, dans sa cour, traînant devant sa porte, la grand-mère nous attrapait avec sur une assiette d'énormes tartines de rillettes. Sa main m'attrapait l'épaule pour me tourner vers ce goûter que je n'aimais pas. C'était salé, c'était gras au plus loin que mes dents s'enfonçaient c'était gras mou et salé. Le pain avait une mie blanche très douce de campagne salée elle-aussi avec des cratères de bulles que la cuisson avait fait éclater. La croûte dorée était élastique, tu pouvais tirer ta bouche d'un côté que la tartine s'allongeait de l'autre sans céder. J'aurais voulu aimer mais je voulais du sucré du goûter comme en ville. Tandis que je chipotais je sens encore le coin de l'œil de ma grand-mère qui m'observait. Elle finissait par se remettre au travail, on ne peut pas trop flâner, alors je choisissais le plus petit de mes cousins pour manger mon pain.
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