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2 mars 2011

Nous mangions

Nous courrions j'imagine que nous courrions. C'était l'été il faisait chaud, les mouches collaient, les poules caquetaient, les guêpes piquaient parfois, les vaches meuglaient et nous courrions. Quand nous étions sur les routes et que la faim nous saisissait dans le temps étiré d'une promenade un peu trop longue, nous arrachions des épis de blé. Sans s'arrêter décortiquer et saisir de nos doigts poussiéreux les graines du pain. Si tu mâches ça fait comme un chewing gum. Alors ça passait alors ça suffisait cette liberté cette solitude d'enfants. Quand plutôt que sur la route nous nous trouvions dans son périmètre, dans sa cour, traînant devant sa porte, la grand-mère nous attrapait avec sur une assiette d'énormes tartines de rillettes. Sa main m'attrapait l'épaule pour me tourner vers ce goûter que je n'aimais pas. C'était salé, c'était gras au plus loin que mes dents s'enfonçaient c'était gras mou et salé. Le pain avait une mie blanche très douce de campagne salée elle-aussi avec des cratères de bulles que la cuisson avait fait éclater. La croûte dorée était élastique, tu pouvais tirer ta bouche d'un côté que la tartine s'allongeait de l'autre sans céder. J'aurais voulu aimer mais je voulais du sucré du goûter comme en ville. Tandis que je chipotais je sens encore le coin de l'œil de ma grand-mère qui m'observait. Elle finissait par se remettre au travail, on ne peut pas trop flâner, alors je choisissais le plus petit de mes cousins pour manger mon pain.

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