23 février 2011
Nouvelle Orléans 3 - Les réfugiés
Nous regardons les quatre volets de la série documentaire de Spike Lee, When the levees broke sur le passage de l'ouragan Katrina et l'inondation massive de la Nouvelle Orléans. Sur l'abandon des corps, des vivants entassés et des morts gonflés d'eau; sur les corps blancs irrémédiablement séparés des corps noirs, fracture toujours encore là, toujours encore qui départage l'espace politique américain; sur le scandale de la gestion de cette crise, l'arrogance des organismes fédéraux, de Bush, de la FEMA (Federal Emergency Management Agency). Au milieu de toute cette révolte, une révolte un peu plus précise se formule qui accroche bute sur un mot : «refugees». Ça ne passe pas. Ils ont subi Katrina, ils ont perdu, on ne peut pas énumérer tout ce qu'ils ont perdu, mais quand ils ont commencé à sortir de Louisianne, qu'ils sont arrivés par avion, par bus là où on les envoyait partout aux États-Unis (dans 18 états) et qu'on les a appelés des réfugiés, ça n'est pas passé. Comme si tout à coup ils étaient devenus apatrides en leur propre pays, que l'eau avait aussi emporté cela, leur citoyenneté et qu'ils ne constituaient plus que des poches d'extérieur trouant le confort du homeland américain.
14 février 2011
La circulaire
Ça revient régulièrement, je peux prévoir dans l'entrevue le moment de son évocation, quand on dit : «Je fais mon épicerie en courant les spéciaux de la circulaire». Parfois le mot s'oublie, suspendu on cherche « vous savez le... la... ahhhh oui la... attendez la circulaire, oui c'est ça ». La circulaire désigne plusieurs feuillets brochés ensemble qui impriment la photo des produits de la semaine qu'une épicerie mets en spécial. Un journal des affaires. Les oranges de Californie à 2,99$ les 12. On l'attrape à l'entrée des supermarchés, elle est aussi distribuée en paquet dans des publisacs à nos portes. Pourquoi circulaire ? Ce journal fait courir ceux dont le budget est assez serré pour compter sur un rabais de 75 sous la livre. Parce qu'elle parle de façon imagée de la circulation des biens, de la fluctuation des valeurs, d'une politique de prix. À partir de ces feuillets s'initie des circuits ; on fait les spéciaux de Métro, de l'IGA, des 4 Frères, du Super c... Les circuits d'une alimentation au rabais.
12 février 2011
Nouvelle Orléans 2
Quand je tombe enfin sur le Mid-City Green Market, mon image « marché » s'ajuste mal à ce qui se présente à moi; si j'associe le marché plutôt à une rencontre particulière dans la proximité avec des matières brutes et les gens qui les produisent, une relation villageoise au commerce, ce marché là est bien différent. Tout petit, pas plus de six ou sept stands, à peine installé sur le parking d'un centre commercial, fragile et mal à l'aise. Quelques tables, un parasol, un peu plus loin un van au coffre ouvert sur le haillon duquel on a disposé quelques produits, là par terre, des salades, et tout autour une marée de voitures. Les stands offrent surtout des produits transformés, du pesto, du miel, des sauces ou distribuent sur des petites tables branlantes des prospectus pour un monde meilleur, vert, solidaire, américain. Une dizaine de personnes sont déjà là, circulant vaguement ou en position d'attente, beaucoup de femmes noires, dans les mains des chèques ou des grosses pièces rondes en carton bouilli, un air habitué et distant. Je m'arrête devant une table d'oranges et de mandarines, les étiquettes sur les filets indiquent que les fruits viennent de Louisiane. Il fait chaud, j'ai très soif, je me poste devant la table aux côtés d'une femme d'une cinquantaine d'années qui tripote dans ces mains les mêmes pièces alternatives; elle tient aussi ce qui ressemble à des chèques de grande taille estampillés Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP). Il s'agit de food stamps,les pièces étant leurs dérivés en petit change, les fameux coupons alimentaires américains dont l'usage a explosé ces dernières années. Nous attendons face à l'homme derrière la table, il ne nous regarde ni nous sert. Le calme de la femme m'incite à la patience... Mais comme c'est long... je demande enfin à l'homme pourquoi cette attente. Il m'indique l'heure à son poignet, 14h50, le marché n'ouvre qu'à 15h00. Avant cette heure, il n'a pas le droit de vendre.
Inscription à :
Articles (Atom)